Entretien avec Françoise Héritier
Par Olympe le 01/03/2011, 15:50 - Lien permanent
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Anthropologie - Entretien avec Françoise Héritier
« La domination masculine est encore partout »
Propos recueillis par Emilie Lanez
Cette anthropologue de renom, disciple de Lévi-Strauss, va faire grincer
des dents *. Alors que l'époque salue la progression sociale des femmes,
Françoise Héritier démontre que cette idée est fausse et qu'au contraire la
suprématie masculine reste universelle.
Dans un précédent ouvrage, l'anthropologue Françoise Héritier démontrait que la
différence des sexes est à l'origine de toute pensée. Elle racontait les
premiers humains, observant la nature, regardant leur corps et découvrant qu'il
y a du mâle et du femelle, du sperme et du sang, du jour et de la nuit, du
chaud et du froid, de l'humide et du sec. Cette catégorisation binaire, faite «
aux aubes de l'humanité », structure la pensée.
Aujourd'hui, la disciple de Claude Lévi-Strauss, professeur au Collège de
France, va plus loin. Elle démontre que la suprématie masculine est
universelle. Elle s'est immiscée au coeur de la modernité, elle est présente
dans les techniques de procréation médicale, dans le débat autour de la
prostitution, dans la parité. Un voyage vertigineux, où l'on découvre que
l'archaïque est encore dans nos têtes.
LE POINT : Au début donc, le masculin et le féminin. Puis, très vite,
le masculin qui domine partout, toujours. Comment la hiérarchie s'est-elle
insinuée dans la différence des sexes ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Les observations, faites aux aubes de l'humanité, sont
concrètes. Le sang est chaud et signifie la vie. L'homme ne le perd
qu'accidentellement ou volontairement, en tout cas de manière active. Il est
considéré comme constamment chaud. La femme perd son sang régulièrement, ce qui
lui donne un caractère froid et humide, et elle le perd sans pouvoir
l'empêcher, ce qui lui confère un caractère passif. Or, dans la plupart des
sociétés, l'actif est masculin et supérieur au passif féminin. Le fait que ces
catégorisations binaires soient hiérarchisées, au-delà de la simple différence,
signifie que la hiérarchie provient d'une autre raison que ces différences
sexuées.
En effet, parmi toutes les observations faites par nos ancêtres, il en est une
particulièrement inexplicable, injuste, exorbitante : les femmes font leurs
semblables, des filles comme elles, les hommes, non. Ils ont besoin des femmes
pour faire leurs fils. Mais cette capacité de produire du différent, des corps
masculins, s'est retournée contre les femmes. Elles sont devenues une ressource
nécessaire à se partager. Les hommes doivent socialement se les approprier sur
la longue durée pour avoir des fils. En outre, des systèmes de pensée
expliquent le mystère de la procréation en plaçant le germe exclusivement dans
la semence masculine. La naissance de filles est un échec du masculin,
provisoire mais nécessaire. Dans cette double appropriation, en esprit et en
corps, naît la hiérarchie. Elle s'inscrit déjà dans les catégories binaires qui
caractérisent les deux sexes, car elles s'accompagnent nécessairement de
dénigrement, de dépossession de la liberté et de confinement dans la fonction
reproductive.
LE POINT : La domination du masculin serait universelle dans le temps
et dans l'espace ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Notre grille de lecture est toujours celle, immuable,
archaïque, de ces catégories hiérarchisées. Les sociétés, même les plus
évoluées, sont marquées par la survivance de ce type de pensée, que j'appelle
le modèle dominant archaïque.
Prenons un exemple. En avril 2000, le magazine Nature Neuroscience fait état
d'une expérience portant sur la capacité à sortir d'un labyrinthe virtuel. La
femme met 55 secondes de plus que l'homme. On montre, par ailleurs, que dans la
réalité les femmes s'orientent par rapport à des critères sensibles, les hommes
par rapport à des critères géométriques. Et, semble-t-il, rats et rates en
feraient autant sur leurs territoires de chasse sans que cela ait d'effet sur
le résultat respectif de leur quête alimentaire. On en conclut à une
infériorité femelle, sur la base du postulat que savoir s'orienter rapidement
selon des critères abstraits est supérieur à le faire plus lentement selon des
critères concrets, car le rapide est supérieur au lent et l'abstrait au
concret. Le jugement global n'est ainsi justifié que par rapport à une
hiérarchie de valeurs archaïque et déjà présente dans la tête tant de
l'expérimentateur que du lecteur. On voit là que prévalent des données sexuées,
non questionnables. Il y a une bonne manière d'utiliser son cerveau - par les
hommes - et une autre qui l'est moins - par les femmes.
LE POINT : N'y a-t-il pas eu des exemples de microsociétés fondées sur
le matriarcat ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Non, le matriarcat est un mythe au sens propre. Les mythes
ont pour fonction de justifier pourquoi les choses sont comme elles sont. Ils
ne racontent pas une réalité historique antérieure, mais une histoire qui
justifie que les hommes dominent maintenant les femmes et détiennent le
pouvoir. On raconte ainsi des histoires de temps anciens où les femmes avaient
le pouvoir et le savoir, mais les utilisaient fort mal. Ce qui justifie
l'intervention masculine pour les remplacer.
LE POINT : Mais il existe des sociétés matrilinéaires...
FRANÇOISE HÉRITIER : La confusion est souvent faite entre le matriarcat
primitif mythologique et les sociétés matrilinéaires, où les hommes ont le
pouvoir, mais où la filiation se fait par les femmes. Un clan se reconnaît par
la transmission de la filiation par les femmes, mais ce sont les frères des
femmes qui ont le pouvoir. La transmission des biens et des fonctions s'y fait
de l'oncle maternel au neveu, fils de la soeur.
Il existe quelques microsociétés de chasseurs-collecteurs dont on pourrait
penser qu'elles sont égalitaires. Mais les décisions importantes, comme lever
le camp, relèvent des hommes. Les femmes contribuent par la cueillette à 80 %
de l'apport alimentaire nécessaire, mais c'est la nourriture apportée par
l'homme, le produit de la chasse, qui est estimée et valorisée.
LE POINT : Quelques femmes illustres ont dirigé leur pays, dominé leur
empire, régné... Cela ne contredit-il pas votre démonstration ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Ce sont des femmes d'exception, dont la conduite a été
considérée comme masculine. Cela n'a rien à voir avec la situation des femmes
ordinaires. Femmes d'exception par la naissance ou par l'occasion, telles
Hatshepsout, qui fut pharaonne d'Egypte, Judith, Elisabeth Ire, Catherine de
Russie, etc. Par ailleurs, pour les femmes ordinaires, il y a des situations et
des moments où elles disposent d'une « chaleur » analogue à celle des hommes,
qui peut les rendre dangereuses, qu'il s'agisse de fillettes prépubères ou de
femmes ménopausées. La virginité ou le célibat des femmes sont ainsi considérés
comme des situations paradoxales puisqu'elles détournent les femmes de leur
fonction de reproductrices, ce qui leur donne parfois la capacité de se
comporter en quasi-hommes, telles Jeanne d'Arc ou la Grande Mademoiselle (qui
de plus jouissait d'une naissance noble) dans notre propre histoire.
LE POINT : Lorsque des pays évoquent le relativisme culturel pour
justifier l'excision, la polygamie, le mariage forcé, etc., s'agit-il, selon
vous, d'un paravent commode ?
FRANÇOISE HÉRITIER : La notion de culture est certes respectable. Mais elle
recouvre des systèmes d'oppo-sition particulièrement remarquables entre peuples
qui jouissent de cultures différentes, qu'il s'agisse d'art, de religion,
d'architecture, de nourriture, de manière de faire, de politesse, etc.
Toutefois, lorsqu'on se sert de l'argu-ment culturel pour récuser l'application
des droits de l'homme aux femmes (argument dont il faut noter qu'il a été
jusqu'à présent admis par les Nations unies), ce qui est remarquable, ce n'est
pas la diversité des usages, des comportements, des convictions à l'égard des
femmes selon les différents Etats qui se réclament de ce paravent, mais au
contraire l'écrasante uniformité d'un seul et unique argument : les femmes
appartiennent aux hommes et ne peuvent avoir comme eux le libre usage de leur
sexualité, de leur corps et de leur esprit.
LE POINT : La nature féminine serait une construction intellectuelle.
Pourtant, n'est-il pas vrai que les femmes sont plus douces, plus faibles, plus
fragiles ?
FRANÇOISE HÉRITIER :Les femmes ont peut-être la voix ou la peau plus douce, que
les hommes, quoique cela ne soit pas une généralité absolue. De la douceur
objectivement repérable de la voix ou de la peau, on fait découler des qualités
féminines de passivité ou de soumission, ce qui ne va pas vraiment de soi. Il
s'agit bel et bien d'une construction intellectuelle. Le physiologique sert
ainsi à justifier la valence différentielle des sexes. Ces traits dits féminins
sont d'ailleurs généralement assumés, voire revendiqués par les femmes comme
étant l'apanage de leur sexe, leur identité, leur valeur refuge. L'ensemble du
corps social érige ainsi artificiellement en qualités « naturelles », qui ne
pourraient donc être modifiées, ce qui n'est que l'effet d'un prodigieux
dressage mental et physique, qui existe et se pratique depuis des
millénaires.
LE POINT : Première brèche dans la domination masculine : la
contraception. Que vous considérez comme une conquête plus importante pour
l'humanité que celle de l'espace...
FRANÇOISE HÉRITIER : Dans la longue marche vers l'égalité des sexes, on a
toujours pensé que l'éducation est première. C'est vrai, et je crois aussi en
la nécessité de l'éducation à l'égalité dès la naissance. Mais il y faut un
préalable, me semble-t-il, et c'est au XXe siècle qu'il a trouvé sa solution.
Si les femmes ont été assujetties et dominées par le seul fait de leur
fécondité et de leur aptitude à faire des fils aux hommes, c'est en leur
donnant le droit institutionnellement reconnu de la contraception qu'on leur
accorde le statut de personne libre. C'est le premier pas vers l'égalité des
sexes.
Ce n'était pas là le but recherché. Cet effet de la contraception a été accordé
aux femmes pratiquement par erreur, en tout cas par mésintelligence des suites.
En effet, les méthodes contraceptives peuvent être masculines ou féminines. En
privilégiant la contraception féminine, les législateurs ont suivi la pente
habituelle qui délègue aux femmes tout ce qui concerne les enfants, sans
prévoir les conséquences d'une telle décision. Car la pilule est vraiment
désormais l'instrument fondamental de l'émancipation féminine.
LE POINT : Lorsqu'on s'occupe de sexualité féminine, c'est pour
inventer la contraception. Lorsqu'on s'occupe de sexualité masculine, c'est
pour fournir aux hommes du Viagra, un médicament qui décuple leur
puissance...
FRANÇOISE HÉRITIER : Si le politique avait simplement voulu contrôler
efficacement les naissances, le meilleur moyen eût été de prendre comme lieu de
contrôle le corps des hommes. Mais c'est là une utopie ! La contraception
médicalisée masculine est difficile à aborder en général et aussi dans nos
pays, car elle est dans l'imaginaire masculin associée à l'impuissance et,
toujours dans l'imaginaire, rien ne doit entraver l'acte sexuel masculin, où
fécondité possible et plaisir sont mêlés. Si la contraception masculine est un
échec, en revanche, le succès du Viagra est phénoménal dans le monde entier.
C'est une substance dont l'usage s'inscrit dans la logique de la domination
masculine.
LE POINT : Les technologies de la reproduction peuvent-elles modifier le
rapport entre le masculin et le féminin ?
FRANÇOISE HÉRITIER : En elles-mêmes, absolument pas. Le professeur Jean-Louis
David, initiateur des Cecos - Centres d'étude et de conservation des oeufs et
du sperme -, s'étonnait qu'il n'y ait jamais eu de reportage dans la presse sur
des couples ayant eu recours à l'insémination artificielle avec donneur (IAD)
ou sur des enfants nés de cette façon. A l'inverse, les premiers enfants nés
par fécondation in vitro et transfert d'embryon (fivete), comme Louisa Brown en
Grande-Bretagne ou Amandine en France, ainsi que leurs parents, ont été
surmédiatisés. La stérilité que la FIV permet de pallier est celle de la femme,
il n'est donc pas choquant d'en parler. La stérilité palliée par l'IAD est
masculine, elle est très mal vécue, le recours à un donneur doit rester caché
aux yeux du monde. La stérilité du couple a toujours et partout été considérée
comme quasi exclusivement d'origine féminine. Nous en voyons ainsi la trace
dans notre propre système de valeurs. La technologie, même la plus
sophistiquée, se coule aisément dans ce schéma archaïque de la domination
masculine, y compris conceptuelle.
LE POINT : Et le clonage ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Le clonage ne modifiera en rien le rapport de domination.
Si le clonage était réservé aux hommes, il leur faudrait se procurer des ovules
de femmes dont on ôterait le noyau féminin et des utérus pour y placer l'ovule,
dont le noyau a été remplacé par une cellule somatique masculine. Dans cette
optique, le corps des femmes serait instrumentalisé. Elles seraient esclaves
des intérêts masculins. A la limite, pour poursuivre dans la science-fiction,
seules les femmes pourraient s'autoreproduire. Il suffirait de ponctionner un
ovule, de l'énucléer, de remplacer le noyau par une cellule somatique prélevée
sur leur organisme et de réimplanter le tout dans leur propre utérus. Une
société pourrait être ainsi constituée uniquement de lignées féminines clonées
différentes, à condition de conserver quelques paillettes de semence congelée
pour renouveler de temps en temps l'espèce. Le genre masculin pourrait ainsi
disparaître. Ce serait le triomphe absolu du privilège exorbitant de la
féminité, non plus de produire le différent mais de se reproduire
exclusi-vement, dont l'histoire de l'homme montre qu'il a toujours voulu
l'asservir et s'en servir. Pour ma part, je pense que les gouvernements ont eu
raison d'interdire le clonage reproductif, non pas parce qu'il est attentatoire
à la dignité humaine, mais parce qu'il est attentatoire à la nécessaire
reconnaissance et au nécessaire recours à l'altérité pour la constitution du
social.
LE POINT : Vous prenez vigoureusement position dans le débat en cours
autour de la prostitution, qui oppose les partisans d'une réglementation aux
défenseurs de l'abolition. Vous rejetez ces deux positions ?
FRANÇOISE HÉRITIER : On objecte toujours qu'en matière de prostitution il n'y a
rien à faire, qu'il s'agit d'un mal nécessaire, que c'est le plus vieux métier
du monde, etc. Pourquoi ? Je réponds à cela qu'il s'agit simplement du fait
que, par un accord tacite et dans tous les pays du monde, tout le monde
s'accorde à penser que la pulsion sexuelle masculine n'a pas à être contenue,
qu'elle doit suivre son cours, la seule limite étant celle de la convention
sociale qui veut que l'on ne peut normalement user du corps des femmes qui sont
sous le contrôle et l'autorité d'un autre homme, père, frère, mari - sauf en
cas de guerre où l'attentat au corps de la femme est aussi une atteinte à
l'honneur de l'homme ou à celui de la famille.
On trouve normal que les jeunes gens jettent leur gourme, que les hommes
s'épanchent dans des corps accueillants, parce qu'ils ne peuvent pas se
retenir, que leur désir est irrépressible. Ce postulat inquestionnable est
faux. C'est donc lui qu'il faut remettre en question, par l'éducation certes,
mais aussi progressivement en maîtrisant de l'intérieur tous les systèmes
d'expression tels que la publicité qui exploitent à la fois l'idée que le corps
des femmes est offert et appartient à tous les hommes et que cette
appropriation est leur droit d'homme parce que la pulsion sexuelle masculine
est absolument licite et n'a pas à être maîtrisée.
LE POINT : Et là, vous notez qu'un homme public est un homme de
pouvoir, une femme publique, une prostituée ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Ce paradoxe terminologique a été relevé par l'historienne
Michelle Perrot. C'est un chiasme parfait. La femme publique est celle qui fait
de son corps le déversoir des humeurs sexuelles d'individus singuliers,
activité considérée comme basse et méprisable. L'homme public est celui qui
consacre sa pensée, son action, sa vie à l'action politique conçue comme une
oblation au bien de la société.
LE POINT : Revenons à la prostitution. Quelle réponse apportez-vous
?
FRANÇOISE HÉRITIER : Il faut apprendre aux enfants que la pulsion sexuelle des
hommes n'est pas irrépressible et que nombre d'entre eux savent la canaliser.
Il faut aussi admettre que le désir féminin, quoique occulté, existe et qu'il a
toujours été férocement réprimé, même s'il l'est moins à notre époque dans nos
sociétés occidentales. Il faut aussi faire comprendre très tôt la différence
entre pulsion et désir pour un partenaire choisi.
Mon point de vue est qu'il n'y a pas de prostitution libre dans la mesure où
elle n'existe que comme réponse à une demande qui tient à ce caractère
inquestionnable de l'irrépressibilité et de la liciéité de la pulsion
masculine. Par ailleurs, la punition du client n'est pas envisageable comme
moyen éducatif tant que rien n'est fait pour faire comprendre aux intéressés
qu'user, contre argent, du corps de quelqu'un est un abus de pouvoir.
LE POINT : Le paysage du masculin/féminin que vous dressez est bien
sombre. Le politique peut-il le modifier ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Le politique ne se saisit guère de la question et, quand
il le fait, il lui apporte des réponses insatisfaisantes. Comme l'instauration
de la parité dans la Constitution et par la loi, qui reconnaît ainsi
institu-tionnellement une différence naturelle, fondamentale entre les sexes.
Plus généralement, les mesures qui cherchent à établir l'égalité sont des
mesures de rattrapage : rattraper un retard, rattraper celui qui est devant.
Cela serait peut-être possible dans un système inerte où celui qu'on doit
rattraper reste sur place. Ce n'est pas le cas. On le voit par exemple dans les
astuces électorales mises en place pour empêcher concrètement la parité de se
faire dans nos assemblées. En fait, les mesures efficaces seraient celles où
l'on ferait se rapprocher les activités des deux sexes et non l'un courir
derrière l'autre.
LE POINT : Par exemple ?
FRANÇOISE HÉRITIER : Je me félicite de ce point de vue de l'instauration d'un
congé de paternité, signe avant-coureur, je l'espère, d'autres gestes plus
efficaces. Il faut croire en l'efficacité des symboles pour parvenir au
changement dans les esprits, même si ce changement, pour être universel, devra
encore prendre quelques milliers d'années. Mais quelques milliers d'années pour
l'humanité, ce n'est rien.
* « Masculin/féminin, volume II. Dissoudre la hiérarchie », de Françoise
Héritier (Odile Jacob, 220 pages, 24,50 euro).
Françoise Héritier Elle est née le 15 novembre 1933 à Veauche (Loire).
Anthropologue célèbre, ses travaux ont porté le plus souvent sur la parenté,
l'inceste, la violence et la symbolique des corps. Ses ouvrages principaux : «
L'exercice de la parenté » (Seuil-Gallimard) et, chez Odile Jacob, « Les deux
soeurs et leur mère », « De l'inceste », « Masculin/ féminin, vol. I, La pensée
de la différence », « De la violence I et II » et « Contraception : contrainte
ou liberté ».
Commentaires
Le passage sur l'absence d'intérêt lié à la contraception masculine mériterait d'être nuancé, je pense (et le préservatif, ça n'existe pas ?).
Ceci dit il est vrai que le but premier du préservatif était de... préserver des maladies, pas des enfants ; par ailleurs, si la pilule est abordée dès le lycée en cours de biologie, rien n'est dit concernant une contraception équivalente chez l'homme...
On peut aussi regretter que le mot polygamie soit pris dans le sens polygynie, alors que la polyandrie est une possibilité... De même, prostitution semble forcément être une prostitution féminine, ce qui n'est pas toujours le cas. Certes, la (très grande) majorité des prostitués sont des femmes, la majorité des groupes polygames sont à ranger dans la polygynie, mais j'aurais aimé qu'elle aborde aussi ces points, pour avoir son avis...
J'avoue avoir du mal à comprendre pourquoi la prostitution impliquerait forcément que les hommes ne savent pas se contrôler : un manque absolu de contrôle, c'est plutôt le viol, et ce n'est justement pas toléré. Faire commerce du sexe, c'est déjà une forme de "rationalisation", non ?
Pour le congé paternité, je m'en félicite également, mais... Tant qu'il ne sera pas de durée égale à celui des femmes, on restera sans doute dans l'optique "n'embauchons pas de femmes ou payons-les moins, puisqu'elles font des enfants".
Bref, interview intéressante mais je reste sur ma faim...
"Le paysage du masculin/féminin que vous dressez est bien sombre. Le politique peut-il le modifier ?"
mais oui ! Regardons ce qui se passe dans la première puissance mondiale, le leader du monde libre... http://nathinphoenix.blogspot.com/2...
On a du chemin a faire en France, mais on en a parcouru déjà un bon peu ! Soyons fiers de cela aussi... Et ne nous arretons pas car la-bas ils avaient baisser les bras et le réveil est difficile.
Très intéressant, merci ! pour la contraception masculine, on a entendu il y a peu parler d'une méthode par ultrasons, qui serait pas chère, pratique (un traitement unique pour plusieurs mois) et sans effet secondaire. Je trouve incroyable que ça n'ait pas été développé plus tôt, ce n'est pas comme si c'était un nouveau concept scientifique révolutionnaire ! J'ai pris longtemps la pilule, mais là j'ai envie d'une pause des hormones et les options sont très limitées hors de ce cadre. Je trouve dommage que certaines féministes s'accrochent à la pilule comme seule alternative valide. Il me semble que les femmes qui refusent les hormones demandent simplement d'autres options de contraception, pas de renoncer au contrôle des naissances !
@_batou_ : Pour la polyandrie, d'une part c'est super rare et d'autre part c'est à peu près jamais à l'avantage des femmes (pas du tout le côté "j'en ai marre de mon mari je me prends un petit jeune en plus pour me changer les idées", cf page wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Polyan...). C'est d'ailleurs généralement une autre forme de domination masculine (les hommes se partagent la même femme). De la même façon, les hommes qui se prostituent le font pour la grande majorité pour des clients masculins, les "escort boys" et bordels masculins restant anecdotiques.
Très intéressant cet article de Françoise Héritier, il eut été dommage qu'il pass e aux oubliettes, merci Olympe de l'avoir remis en surface.
Quand la contraception a été, enfin, accessible aux femmes de ma génération, une ère nouvelle s'est ouverte et un début d'égalité femmes/hommes s'est esquissé.
Il y a encore fort à faire, mais les jeunes femmes sont mieux armées, conscientes de leurs droits... cependant, il leur reste encore à se faire respecter , j'ai bon espoir que cela se fasse.
Alors mes pulsions sexuelles doivent être contenues ?
Mais de quoi je me mèle ?
Je couche avec qui je veux, et quand je veux, pour peu que la personne soit consentante. Et bien sûr, je ne vois pas pourquoi ce serait different pour une femme !
@22decembre
ho bah ! juste un détail : il parait qu'il y a 75 000 viols par an, justifiés par cette mythologie de la pulsion sexuel des hommes, incapable de maitriser leurs pulsions sexuel, rien que ça ! Pas toucher au dieu phallus, c'est précieux ça. Pourtant ce ne sont pas des poulpes, les hommes hein, ils ont bel et bien un cortex-préfrontal, comme tous les êtres humains, et c'est justement ce qui nous différencie des animaux : nous contrôlons nos pulsions justement ! Alors les viols....bah c'est pas du tout liés à cette pulsion, dite hypocritement incontrôlable, c'est tout au contraire lié à une culture de la domination masculine.
@22decembre
"pour peu que la personne soit consentante" --> cela montre que tu contrôles un peu tes pulsions
C'est aussi ce mythe des "pulsions incontrôlables" qui induit que les femmes, dans beaucoup de cultures, doivent se voiler ou se cacher (mon musulman, mais aussi autrefois chez nous, en Inde)... Alors que ça devrait être aux hommes d'apprendre à se contrôler. par contre, on se pose moins a question du fait qu'une femme puisse être émoustillée à la vue d'un bel homme...
Sinon, cet interview est intéressante... mais un peu démoralisante... On a l'impression qu'il faudrait s'attaquer aux fondements même de la société pour avoir l'égalité... Est-ce possible ?
Juste une précision: la FIV, ce n'est pas uniquement la réponse à la stérilité de la femme, ça c'est ce que les gens croient, l'image que les médias véhiculent, mais c'est en fait souvent la réponse à une infertilité des deux membres du couple, voire à une infertilité inexpliquée, sans parler de la FIV ICSI (intracytoplasmic sperm injection) qui est particulièrement indiquée en cas d'infertilité masculine.
Sinon je suis d'accord, pour le vivre, je me rends bien compte que la stérilité féminine est (un peu) moins taboue que la stérilité masculine. Que de chemin encore à parcourir...
voila un billet très intéressant ca change d'autres blogs!!
Merci pour cet article très intéressant et très
bien documenté comme d'habitude, Olympe...
Françoise Héritier parle d'une domination du masculin universelle dans le temps et dans l'espace...
En m'appuyant sur les écrits de Maurice Godelier, qui a aussi travaillé avec Lévi-Strauss durant une partie de sa très brillante carrière, je nuancerai le propos en parlant plutôt de forte suprématie de la domination masculine, car il existe de rares sociétés matriarcales où le pouvoir est dévolu aux femmes, telle que les Na de Chine (matriarcat extrême)... Mais c'est évidemment les hommes qui ont le pouvoir dans la quasi-totalité des sociétés connues...
En outre, d'un point de vue théologique et mythologique, malgré un culte primitif avéré de la déesse mère précédent les religions du Sumer, berceau des religions monothéistes, la suprématie masculine s'est même accaparée une création du monde et une origine masculine de l'humanité : dans la Genèse, le premier être masculin (Adam) créé par Dieu, qui conçoit la première femme Eve à partir d'une côte d'Adam ... Belle prouesse masculine d'avoir divinisé la création de la femme par l'homme....