L'épididyme d'Or de mai

epididymes.jpgJe rappelle pour ceux que ça intéresse que l'épididyme est "une partie du système reproducteur de l'homme. C'est un petit organe accolé au testicule contenant un tube glandulaire pelotonné transportant les spermatozoïdes" . Le prix est décerné chaque mois à un média ou une manifestation ayant dépassé le taux admissible de testostérone.

Ce mois ci il est attribué à France Inter et à son prix du livre.

J'ai passé beaucoup de temps dans ma voiture hier, et je sais donc tout sur le sujet.

Je sais aussi, mais ça c'est une autre histoire, tout ce qu'il y avait à savoir sur le crash de l' A330 et la paresse intellectuelle des journalistes qui ont non seulement réussi à occuper des heures sans aucune info mais aussi à relayer de façon plus qu'insistante le grand numéro compassionnel de notre président à 7 jours des élections. Je précise à ce sujet que je n'écoute que France inter (ou france info quand je n'ai pas beaucoup de temps) et que je me suis demandée si autant d'inepties pouvaient être excusées par la létargie dans laquelle nous a tous plongés ce long week-end ensoleillé, y compris les journalistes, qui ont après tout bien le droit eux aussi de se laisser un peu aller, ou par une impulsion venue de la nouvelle direction de radio france. Je suis un peu inquiète quand même.

Pour en revenir au prix du livre inter, j'ai appris avec "Le téléphone sonne" que les femmes lisaient beaucoup plus que les hommes et surtout beaucoup plus de romans. Et qu'en conséquence, fort logiquement la radio reçoit bien davantage de candidatures féminines pour la participation au jury qui est, comme vous le savez, composé d'auditeurs. Le règlement prévoit cependant que le jury doit être paritaire.

Jusque là tout va bien, même si on se demande pourquoi c'est toujours quand il y a plus de femmes quelque part qu'on prête une attention particulière à la parité (rappelez vous l'exemple que nous avait donné Alain Minc).

Mais force est de constater que les mêmes précautions n'ont pas été prises pour le choix des œuvres : 10 romans en lice, 9 écrits par des hommes.

Les femmes liraient et n'écriraient pas ? Je ne sais pas comment ont été sélectionnés ces romans, je sais que c'est une femme, Eva Bettan, qui a France Inter, dirige cette opération. Il est seulement indiqué que "le 35ème LIVRE INTER sera choisi parmi les romans édités, sortis en librairie entre septembre 2008 et mars 2009."

Je me suis livrée aux petites stats habituelles. Depuis 1975 le prix du livre inter a été attribué à 27 hommes et 8 femmes, c'est quand même beaucoup mieux que le Goncourt.

Commentaires

1. Le 02/06/2009, 19:09 par Seb de CaRéagit

Fabuleux...

Puis-je ?

Et si... ces 9 romans étaient simplement les meilleurs ? Et si la meilleure parité était de juger l'œuvre sans considération du sexe de l'auteur des lignes ?

Enfin j'dis ça je dis rien...

2. Le 02/06/2009, 19:47 par olympe

faites, faites ! alors il faudra finir par conclure que les hommes ont plus de neurones que les femmes puisque justement ce sont toujours eux les meilleurs. les meilleurs en littérature, les meilleurs en politique, les meilleurs en entreprise, les meilleurs en tout sauf en ménage (parceque ça ça demande pas trop de neurones peut être). si tu n'acceptes pas de penser qu'il y a la dedans quelque chose de social tu ne peux qu'en conclure que les hommes sont meilleurs en (presque ) tout que les femmes.

tu as le droit de le penser, mais ça dénote un faible sens de l'observation .

et si tu as lu l'histoire de Minc tu as vu qu' en aveugle ce sont les candidatures de filles qui sont sélectionnées.

3. Le 02/06/2009, 21:35 par Aude Nectar

Jusqu'où devrait donc aller la parité ?
Je réalise en effet que les prix littéraires sérieux sont souvent accordés aux hommes, mais de là à imaginer qu'il y ait du sexisme là-dessous, je ne préfère pas.
Il y a moins de grands auteurs femmes que hommes, que ce soit aujourd'hui ou dans l'Histoire.
Trop occupées à faire des gosses et le ménage peut-être ? ;-)

4. Le 02/06/2009, 22:31 par Suzanne

Est-ce que tu as des chiffres par maison d'édition, Olympe ? Du style : Fayard a reçu X manuscrits en 2008, dont tant écrits par des femmes, en a édité X, dont tant écrits par des femmes, etc...

5. Le 03/06/2009, 09:39 par Suzanne

Je posais la question à Olympe, mais tout le monde peut répondre.

6. Le 03/06/2009, 10:01 par Suzanne

J'ai posé la question sur le forum d'Actes Sud
http://www.actes-sud.fr/forum/viewt...

7. Le 03/06/2009, 12:06 par olympe

Suzanne, merci de la démarche. ce sera interessant de connaitre la réponse.
cependant, c'est comme en politique, on nous serine sans arrêt que les partis ont du mal à trouver des femmes et c'est certainement vrai. Il y a déja quelque chose qui se passe en amont, dans la non reconnaissance de ce que font les femmes tout au début d'un processus, dans le fait aussi qu'elles n'osent pas se lancer, qu'on ne les encourage pas etc....

je vois que ce billet peut être source d'une polémique interssante. j'en referai un autre à propos des femmes philosophes qui est un sujet dont parle Isabelle Germain dans son livre et qui peut être tout à fait mis en parallèle

8. Le 03/06/2009, 12:39 par Irène Delse

Olympe a raison de s'interroger sur ce déséquilibre en faveur des écrivains hommes, y compris des romanciers.

En effet, les femmes lisent nettement plus de romans que les hommes. Elles sont également nombreuses dans le monde de l'édition. Pas toujours aux plus hauts échelons, mais c'est quand même un milieu assez féminisé, et ce depuis au moins une trentaine d'années (qu'on se souvienne de Françoise Verny, la "papesse de l'édition" des années 80). Depuis une vingtaine d'années, la tendance a vu plusieurs éditrices quitter le giron d'un grand groupe pour former leur propre maison d'édition, souvent avec succès: Odile Jacob, Joëlle Losfeld, Viviane Hamy, Marion Mazauric (Au Diable Vauvert)...

Et les romancières n'ont rien à envier, question succès public (et respect des pairs, au moins dans une certaine mesure), à leurs collègues mâles! De Françoise Sagan et Régine Desforges à Anna Gavalda ou Amélie Nothomb, les exemples ne manquent pas. Ou, dans un autre registre, une Fred Vargas... (Ah, tiens, un pseudonyme masculin, ou du moins équivoque.) Dans la littérature jeunesse, il s Sophie Audouin-Mamikonian, l'auteure des "Tara Duncan", qui cartonne chez les gamins et est déjà traduit en je ne sais pas combien de langues. (Je cite cet exemple parce que les collections jeunesse sont souvent les "locomotives" économique des éditeurs... C'est le cas chez Gallimard, par exemple.) Et du côté des jeunes auteures, on a vu arriver des femmes comme Faïza Guène, dont les bouquins se vendent, sont lus et font parler d'eux.

Bref, on n'a pas de problème à trouver des romancières qui marchent, tant auprès du public que des critiques.

Mais il est vrai que les jurys littéraires, même s'ils sont composés à parité d'hommes et de femmes, ne semblent pas toujours au courant. Le fait que, sur 10 romans sélectionnés, seul un soit écrit par une femme est tout de même bizarre. Là, on sort de la probabilité statistique! Comme si, sur une année, il n'y avait pas plus d'un roman écrit par une femme pour retenir l'attention du jury?

Je subodore que dans le monde de l'édition et des critiques littéraires, et probablement aussi à l'université, le modèle conceptuel dominant est encore celui de l'écrivain barbu... et je ne parle pas des femmes à barbe!

J'ai fait pas mal crier récemment sur mon blogue parce que je revendiquais de m'intituler "auteure" et "écrivaine":
http://www.irenedelse.com/2009/05/2...
Même des femmes ont commenté en disant que pour elles, un "vrai" auteur s'écrivait sans "e" à la fin. Et j'ai émis l'hypothèse que malgré la présence importante de femmes éditrices et de femmes qui écrivent, les représentations mentales de ce milieu favorisent toujours plus les hommes que les femmes. Inconsciemment, sans doute, mais cela se retrouve dans les listes de prix littéraires, entre autres.

Ce qui ne veut pas dire que cela ne va pas changer. En fait, je pense que le fait même que nous en parlions ici, ouvertement, est un facteur qui tend à faire évoluer les esprits...

9. Le 05/06/2009, 07:56 par Suzanne

Irène: désaccord total avec les E qui changent les choses. Enfin, pas désaccord, agacement et incompréhension. Je m'en fiche tant qu'on n'en parle pas. Si j'entends, si je lis les propos de l'auteur du livre disant qu'il tient à son E d'auteur ou d'écrivaine, je ne lirai pas le livre par pur à priori, par préjugé, parce que je sais ce que je vais trouver dedans, et que ce n'est pas pour ça que je lis un roman.
Ce qui m'intéresserait, c'est la proposition d'une vingtaine de textes sans nom ni âge d'auteur à plusieurs éditeurs susceptibles de les accepter, et la proposition identique pour des prix littéraires (plus difficile à imaginer, puisque les romans sont parus). Je suis persuadée que les éditeurs se fichent du sexe mais pas de l'âge, de l'apparence, des potentialités télégéniques de l'auteur.

10. Le 05/06/2009, 09:28 par Suzanne

Irène:
Ce qui m'intéresserait, c'est la proposition d'une vingtaine de textes sans nom ni âge d'auteur à plusieurs éditeurs susceptibles de les accepter, et la proposition identique pour des prix littéraires (plus difficile à imaginer, puisque les romans sont parus). Je suis persuadée que les éditeurs se fichent du sexe mais pas de l'âge, de l'apparence, des potentialités télégéniques de l'auteur.

11. Le 02/09/2009, 11:56 par dwormiller

Pour moi ça ne fait aucun doute, les meilleurs romanciers sont très majoritairement des hommes. Si le constat saute aux yeux, c'est plus difficile d'en rendre compte. Cela a peut-être à voir avec le fait que les femmes et les hommes n'ont pas tout à fait le même spectre émotionnel. Le roman est une expression artistique qui va au delà de la simple création conceptuelle. Il faut beaucoup d'intelligence, mais aussi une symphonie émotionnelle très particulière. Avoir des tendances dépressives peut aider (à écrire, pas à vivre).

C'est comme l'humour. Les hommes produisent plus d'humour, et les comiques femmes ont généralement un côté garçon manqué (il serait intéressant de faire subir un test de féminité à Muriel Robin pour voir si elle s'est pas dopée aux hormones mâles).

L'humour joue un rôle important chez les grands romanciers (que ce soit Céline, Proust ou Houellebecq par exemple). Sans humour, pas de grand roman. Je crois que l'agressivité est une autre qualité des bons romanciers (en littérature, on dit d'un auteur qu'il a une plume "incisive". Il faut savoir écrire au scalpel, vouloir démolir certaines cibles, capitaliser sur l'agressivité qu'on porte en soi mais qu'on ne manifeste pas dans la vie de tous les jours, car le romancier est un être civilisé qui sublime sa testostérone.)

Pour Geoffrey Miller, psychologue évolutionniste américain, les productions artistiques seraient un moyen pour les mâles d'exposer aux femelles leurs qualités génétiques. On sait qu'il y a une corrélation positive forte entre l'humour et l'intelligence. En faisant rire la femme, l'homme lui prouve qu'il est intelligent et que c'est un reproducteur de qualité. Pareil s'il parvient à l'épater par des poèmes ou des chefs d'oeuvre de la littérature.

Si demain je publie un livre comme Voyage au bout de la nuit ou Les liaisons dangereuses, ma cote sexuelle risque de grimper en flèche, même si je suis exactement le même que lorsque j'étais anonyme, à m'échiner tout seul dans mon coin, quelques mois plus tôt. Simplement, j'aurai déposé mon cerveau sur la place publique, j'aurai exposé ma "beauté" intérieure, mon capital génétique.

Un adolescent qui se met au rock avec sa guitare dans son garage sent intuitivement que si un jour il devient une rock star planétaire (comme Matthew Bellamy, Bruce Springsteen ou Mick Jaegger), il pourra se taper une nana différente chaque soir de concert jusqu'à la fin de sa carrière. Gratuitement.

C'est une perspective motivante. Ca donne un sens à la vie.

L'homme expose son cerveau (et donc ses qualités génétiques) dans une production intellectuelle ou artistique de la même manière que la femme expose ses qualités de reproductrice dans la forme de son corps, sa jeunesse, ses courbes, ses cheveux, la symétrie de ses traits, etc.

L'homme est obligé de faire des efforts que n'a pas à consentir la femme, pas immédiatement du moins. Pour une adolescente de 15 ans qui a la chance d'être jolie, tout est facile, trop facile presque. Elle n'a qu'à sélectionner. La séduction est donc plus difficile pour l'homme. C'est après que les choses se compliquent pour la femme. Après le sexe. C'est là aussi qu'apparaissent les vocations féministes.

La co-évolution de stratégies différentes a pourvu les hommes de qualités artistiques ou humoristiques qui sont moins prononcées (statistiquement) chez les femmes.

La discussion continue ailleurs

1. Le 03/06/2009, 12:44 par Irène Delse

Une auteure, si je veux

Râler, parfois, ça fait du bien, tiens. Je reprend donc ici la séance de déballage que je me suis permise sur mon pénultième billet. Pas de raison d’en priver la fraction de l’univers qui l’avait raté la première fois. Pour m......