Serie : Les illustratrices du 20eme siècle : Jeanne Mammen

Suite des billets rédigés par Renaud Bouet, .

J'avais rencontré Renaud il y a 2 ans lors du Salon de la BD à Paris, . L'année dernière il a été annulé. Cette année ce sera ce week-end. Dès  vendredi après-midi vous pouvez retrouver 60 exposants ; des maisons d'édition, des libraires et des auteurs et autrices. Il y a beaucoup moins de monde qu'à Angoulême et il est facile d'engager la conversation avec tout le monde.

J'y aurai donc une petite table où vous pourrez venir discuter, et acheter mes livres.  

 

Renaud souhaitait évoquer cette artiste, car si on parle souvent des artistes hommes fustigés par les nazis en tant que "dégénérés"(genre Otto Dix), C'est rarement le cas pour les femmes. Or,il y en a eu plusieurs dont Jeanne Mammen. 

Elle est née à Berlin en 1890 mais a vécu ses premières années à Paris où son père avait une usine de soufflage de verre.

Les années de formation de la jeune femme ont baigné dans la littérature française et les arts de l'époque. Son éducation privilégiée lui a permis d'étudier la peinture et le dessin, à l'académie Julian tout d'abord, puis dans différentes écoles, à Bruxelles et Rome. Elle participe même en 1912 au Salon des Indépendants de Paris puis à celui de Bruxelles. 

Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, sa famille voit ses biens confisqués; elle et les siens sont classés comme "ennemis étrangers", ce qui réduit les conditions de vie de l'artiste. Mais la jeune femme du fait de ses activités artistiques, noue des liens d'amitié avec des personnes d'horizons divers dans un monde éclectique, en marge de son cercle social de classe moyenne, ce qui l'aide à surmonter ces moments difficiles et aura une influence majeure sur ses œuvres ultérieures. 

Après son retour à Berlin, elle entame en 1921 une carrière professionnelle en tant que dessinatrice d'affiches pour des films, puis en tant qu'illustratrice de magazines (notamment pour la revue Simplicissimus). 

Cependant, c'est la vie nocturne colorée de la République de Weimar qui inspire son art. Entre le milieu des années 1920 et le milieu des années 1930, elle multiplie croquis et aquarelles ayant pour sujet les discothèques, les cafés et les cabarets bruyants de la ville. Elle observe et représente un monde coloré et cosmopolite, aux passions chaotiques, qui s'éveille à la tombée de la nuit. Son intérêt pour la représentation féminine est une constante de son travail. Elle représente des femmes épanouies dans leur sexualité. 

Sa représentation des lesbiennes est révolutionnaire du point de vue féminin, elle ignore à la fois les tabous de l'âge et la représentation sexualisée "cliché" liée au regard masculin. Et ses aquarelles qui dépeignent des femmes appréciant simplement la compagnie d'autres femmes comportent souvent une qualité narrative humoristique Elle participe à de nombreuses expositions, dont une exposition d'artistes féminines à Berlin. 

Cependant, avec l'arrivée du pouvoir nazi, son travail est qualifié de "dégénéré" et de « juif ». Elle refuse d'abandonner ses sujets de prédilection et de se joindre à la machine de propagande artistique du régime nazi. Pendant une grande partie de la Seconde Guerre mondiale, elle ne peint plus et survit difficilement. Après la guerre, elle se tourne vers des expressions plus abstraites de l'art. Mais ce sont ses observations positives de la société "marginale" allemande dans cette période particulière de l'histoire qui sont peut-être les plus remarquables. Sa représentation des femmes en particulier en tant qu'expression joyeuse de la féminité et de la sexualité confiantes. 

A la fin de sa vie, voici ce qu'elle disait d'elle et de son travail: "J'ai toujours voulu être juste une paire d'yeux, marchant à travers le monde sans être vu, seulement pour pouvoir voir les autres…."