BILLET INITIALEMENT PUBLIE LE 10 NOVEMBRE 2009,que je ressors suite à la diffusion du film sur ARTE
J'ai assisté lundi à une projection en avant première de La Domination masculine, film qui sortira en salle le 25 novembre. J'étais avec Trublyonne et Luciamel et bien contente de pouvoir échanger avec elles à la sortie, parceque troublée.
Comment dire ?...Tout d'abord, je me suis ennuyée, commençant à jeter des coups d'œil à ma montre au bout d'1H, mais surtout j'ai senti monter en moi au fur et à mesure de l'avancée du film un fort sentiment de malaise.
Qu'un film grand public (UGC a participé à son financement) expose au grand jour la domination masculine voila pourtant qui ne pouvait que me réjouir.
Qu'on y montre que les femmes attendent encore un homme fort et protecteur , que les livres d'enfants font la part belle aux stéréotypes (même si les livres choisis étaient déjà anciens pour la plupart comme j'ai pu le vérifier dans le générique de fin), que les mannequins des magazines sont toutes photoshopées et ont des mensurations tout simplement improbables, qu'il n'y a que peu de femmes au Parlement, que les jouets sont sexistes etc.... je dis bravo.
Qu'on y montre que la violence est le quotidien de nombreuses femmes et que certaines en meurent , qu'on montre toute l'horreur de ces situations je dis bravo même si je ne suis pas certaine qu'il fût utile de montrer tous ces bleus et blessures en gros plan.
Qu'on donne la parole à des féministes québécoises qui expriment leurs inquiétudes quant à l'avenir en constatant non pas une évolution positive mais une régression dans la situation des femmes, ça change du discours ambiant et c'est très bien.
Mais qu'on y entendent pendant de longues minutes les exposés détaillés de ce que pensent les masculinistes Québécois je m'interroge. Leurs propos sont caricaturaux comparant par exemple le féminisme au fascisme, au nazisme ou au stalinisme (et d'ailleurs à plusieurs reprises la salle a ri à les entendre) mais si ce mouvement à l'air actif outre atlantique, il est quasi inexistant en France. Quel intérêt d'en parler sinon de susciter de l'indignation à bon compte ? Du coup on ne sait pas ce que pensent les autres hommes du féminisme ni des femmes.
Qu'on se scandalise du fait que certains au Québec cherchent à faire un héros d'un fou qui a assassiné en 1989 14 femmes à l'école polytechnique au seul motif qu'il haïssait les féministes, je comprends , mais il ne me semble pas pertinent de vouloir faire de ces femmes des martyres du féminisme. Comme dirait Elisabeth Badinter : "Fausse route".
Au final ce qui m'a vraiment dérangée dans ce film c'est l'image qu'il donne des hommes. Ils apparaissent comme de grands enfants surtout préoccupés par la taille de leur sexe (ou de leur voiture c'est pareil) lorgnant le corps des femmes en buvant de la bière (ou du champagne au salon de l'auto) après s'être approprié le pouvoir et les beaux rôles.
Le fil rouge du film est un tableau sur lequel sont apposées, toujours plus nombreuses, des images phalliques : images de sexes, mais aussi d'objets oblongs, de tours dressés.... Jusqu'à la nausée. Une stigmatisation facile des mâles, qui manque de profondeur et d'analyse sur la façon dont fonctionnent les rapports sociaux hommes/femmes et les moyens de changer.
Ce n'est pas ainsi que je perçois les hommes et ce n'est pas ainsi que j'ai envie d'être féministe.Pierre Bourdieu, éminent sociologue avait écrit en 1998 un livre intitulé "la domination masculine" dans lequel il analyse les ressorts de cette domination, j'ai lu sur le site officiel du film que le titre n'est pas une référence à Bourdieu. Effectivement on en est vraiment loin.
Un débat a suivi la projection du film, très intéressant, j'en reparlerai.