J'avais fait 2 billets sur le sujet en juin,
inquiète de constater que personne ne semblait s'y intéresser vraiment .
J'ai été largement rassurée à mon retour de vacances. Suite à quelques
propos de Xavier Darcos (dont on se souvient
de la considération qu'il a pour les taches liées au soin des enfants) il
s'agit de l'un des débats phares de la rentrée et les syndicats semblent prêts
à se mobiliser sur le sujet.
Pour un point clair sur la situation je vous conseille cet article
du Figaro (et vous savez qu'il n'est pas dans mes habitudes de citer le
Figaro).
La piste de réflexion habituellement présentée comme la plus sérieuse
consiste à maintenir un avantage d'une année pour les femmes en partageant la
seconde année aux choix entre le père et la mère. En fait il faudra attendre la
présentation du PLFSS (Projet de loi de financement de la sécurité sociale) en
fin de mois pour savoir quelle sera vraiment la proposition du
gouvernement.
On sait que la HALDE et la Cour de cassation ont estimé qu'accorder 2 années
de cotisations aux seules mères était discriminatoire, mais l'origine du
problème remonte en réalité à la position prise en 2001 par la Cour Européenne
de Justice qui dans un
arrêt daté du 29 novembre 2001 a jugé que les bonifications de retraite (un
an de cotisation gratuite par enfant) accordées aux femmes retraitées de la
fonction publique devaient aussi bénéficier aux hommes ayant élevé des enfants.
Saisi du cas d'un magistrat, père de trois enfants, le Conseil d'Etat avait
demandé à la Cour de justice européenne de se prononcer sur l'inégalité de
traitement entre hommes et femmes en matière de bonification des retraites. La
Cour avait estimé que ces bonifications n'étant en rien liées au congé
maternité, en vertu du principe de l'égalité des rémunérations entre les hommes
et les femmes, posé par le Traité de Rome, puis par une directive, il n'y avait
pas de raison que les pères fonctionnaires qui participent à l'éducation de
leurs enfants n'aient pas les mêmes avantages que les mères.
Le gouvernement français avait bien essayé de faire valoir auprès de la Cour
que la bonification venait compenser les désavantages subis par les mères dans
le calcul de leur pension. Mais la Cour n'a pas jugé cet argument
recevable.
Je ne vois donc pas de raison pour la Cour accepte 1 année pour les
salariées du régime générale alors qu'elle l'a refusé pour les fonctionnaires.
Il existe bien quelques différences subtiles, notamment le fait que la retraite
fasse partie du traitement pour les fonctionnaires, ce qui n'est pas le cas
pour les salariés mais cela ne change pas grand chose sur le fond.
Il y a donc de quoi me semble -t-il être pessimiste sur l'issue de ce
débat.
Pourtant les enjeux ne sont pas minces.
Pour pouvoir partir en retraite à 60 ans un salarié né en 1949
doit aujourd'hui totaliser 161 trimestres. C'est à dire qu'il doit avoir
commencé à travailler à 20 ans (162 trimestres pour ceux qui sont nés en 1952
). Or on sait que les femmes, surtout celles de ces générations et
particulièrement celles qui ont eu des enfants , ont des carrières moins
complètes que les hommes, elles vont donc devoir travailler plus longtemps
qu'eux ou se contenter d'une retraite moindre.
Par ailleurs, et là ce sont certainement davantage les cadres qui sont
concernées, existe depuis peu un système de surcote. Ceux qui ont le nombre de
trimestre requis à 60 ans et continuent de travailler bénéficie d'une
surcote , pas très élevée puisqu'elle tourne entre 0,75% et 1,25% mais
voila un avantage qui va encore profiter davantage aux hommes puisque leurs
carrières sont plus complètes.
Le plus difficile à accepter dans cette histoire est la non reconnaissance
de l'inégalité subie par les femmes. Il y a celles qui se sont vraiment
arrêtées de travailler pendant une durée plus ou moins longue, mais il y a
celles aussi qui, attentives à concilier vie familiale et vie professionnelle
ont choisi (je ne parle pas ici de celles qui subissent) de travailler à temps
partiel, il y a celles qui ont préféré conserver un poste leur permettant
d'aller chercher les enfants à l'école plutôt qu'une augmentation, qui ont
refusé les promotions nécessitant des déplacements, qui ont volontiers sacrifié
leurs carrières pour que leur conjoint puissent réaliser la sienne, Le tout
dans l'optique de préserver une présence et une vie familiale chaleureuse pour
les enfants.
Je suppose que la HALDE, la Cour de justice ou la Cour Européenne n'y voient
aucun inconvénient, ni aucune discrimination. Mais accorder à ces mères 8
trimestres de cotisations retraites pour compenser le fait qu'à la fin leurs
salaires sont inférieurs à ceux des pères, qu'elles devront peut être
travailler plus longtemps pour toucher une retraite à taux plein, alors là
ATTENTION, c'est de la discrimination envers les hommes et ça c'est
insupportable.
Certains estiment également que ce n'est pas au système de protection
sociale de compenser les inégalités résultant de la politique salariale des
entreprises. Mais notre système de Sécurité sociale, et tout particulièrement
l'assurance retraite, est un système par répartition financé par des
cotisations assises sur les salaires. C'est donc bien de l'argent qui est versé
par les employeurs (part patronale ) et les salariés (part ouvrière) et on ne
voit pas pourquoi cette redistribution qui vise à ce que les actifs payent pour
les retraités ne s'équilibrerait pas également pour compenser des injustices
flagrantes.
Nous les mères allons donc laisser des plumes dans cette affaire. J'espère
que les associations féministes feront de ce thème l'une des revendications de
la manifestation prévue
le 17 octobre.
Je me demande si il ne serait pas utile également d'écrire dès à présent à
nos élus : députés, sénateurs mais aussi députés Européens.
Pour finir, il est des mères qui risquent d'y perdre encore plus que les
autres si le dispositif lie les trimestres supplémentaires au fait d'avoir
accouché ; ce sont les mères adoptives. Moushette
s'en émeut et elle a raison.